DE PAIN ET D'OR

Dans “De Pain et d’Or”, Arsène Welkin explore la part sacrée du quotidien. Ses toiles ne racontent pas des scènes : elles révèlent une manière d’être au monde — lente, attentive, nourrie par la présence et par la lumière. Ici, le pain n’est pas nourriture seulement. Il est geste ancestral, chaleur offerte, partage invisible. Il rappelle que toute vie, tout voyage, tout lien humain repose d’abord sur ce qui se donne. Le pain est la première lumière du jour, le cœur profond de la maison, la mesure simple de la dignité.

Face à lui, l’or ne désigne pas la richesse, mais la lumière intérieure. La lumière du soleil au zenith, celle de la fin du jour qui s’attarde sur un visage, celle qui traverse une pensée ou celle se reflétant sur les zelliges. L’or, dans le travail de Welkin, n’est pas matière : il est révélation. Il apparaît quand le regard se fait humble, quand les choses simples se laissent contempler, quand le monde renonce au bruit pour s’offrir dans sa plus juste intensité.

Les personnages d’Arsène Welkin ne posent pas ; ils habitent. Ils ne cherchent pas à séduire, ni à expliquer : ils attendent, écoutent, reposent. Leur silence n’est pas absence, il est concentration, paix, écoute du dedans. Ils incarnent une temporalité qui n’appartient plus à la vitesse mais à la respiration du temps. Cette immobilité n’est jamais figée : elle est vivante, presque musicale, comme l’instant avant qu’un instrument ne sonne, avant qu’une tasse de thé ne soit servie, avant qu’un pas de danse ne commence.

Dans ces toiles, le Maroc n’est pas décor : il est atmosphère, lumière, géométrie sacrée, chaleur humaine. Il ne parle pas d’exotisme mais d’intimité. Les zelliges deviennent partitions silencieuses, architecture du regard, mémoire minérale. Les fleurs, fréquemment présentes, ne décorent pas : elles veillent. Elles témoignent de ce qui s’ouvre, ce qui respire, ce qui passe. Elles portent l’idée d’une beauté offerte, jamais forcée.

De Pain et d’Or est ainsi une méditation sur ce que la peinture peut encore faire aujourd’hui : non pas raconter, mais révéler. Non pas crier, mais ouvrir un espace où voir devient sentir.

Dans ce monde, la vie la plus humble devient or, et l’or le plus subtil reste humble. La toile devient table, la couleur devient pain, le regard devient offrande. Ces œuvres invitent à une réconciliation : celle du geste simple et du mystère, du quotidien et de la grâce, de la matière et de ce qui la dépasse.

Dans ces espaces suspendus, le spectateur n’est pas témoin : il est invité. Invité à ralentir. Invité à se souvenir que la beauté se cache dans ce que l’on partage, dans ce que l’on contemple, dans ce que l’on reçoit sans bruit.

Ici, la peinture nourrit.

Ici, la lumière bénit.

Et tout ce qui semble simple devient soudainement, essentiel.

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